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JOURNAL D'AUTOMNE  

Texte & Une photo par jour

 

Semaine 36 - Année XXIII - Samedi

L'habitude d'écrire tous les jours est prise. Je n'ai jamais voulu rédiger un journal jusqu'ici. L'écriture est entrée dans ma vie par de petites portes discrètes. A considérer le nombre de notes griffonnées dans des carnets ou des cahiers successifs, je ne peux qu'admettre leur place de plus en plus visible, témoignant pingrement de ma vie passée et actuelle dispersée dans mes cartons de rangement. Je les garde à l'abri pour l'instant. J'en relis  quelques uns parfois, pour le plaisir d'en avoir oublié le contenu, j'aime leurs contenants choisis par coups de coeur et opportunités.  De petits carnets souples ou cartonnés, de rares cahiers, des  demi-feuilles volantes glissées dans des enveloppes. J'aime écrire à la main, même maladroitement, je suis une gauchère empêtrée et crispée. Je me sens obligée de repasser à l'encre sur les lettres lorsqu'elles sont trop informes. Quelqu'un m'a dit un jour que je faisais beaucoup de brouillons.  A cette époque je prenais de nombreuses notes pour mieux écouter et observer les gens.  Je ne restituais que ce qui me paraissait présentable. Double écriture, double peine...Un droitier qui n'avait sans doute aucune idée de mes efforts de gauchère pour présenter une graphie lisible soulignait ma différence. C'était sans doute un reproche à peine voilé. Pour écrire lisible il me faut du calme et du temps. Je n'aime pas précisément ce qui est brouillon et négligé. J'apprécie les belles écritures. Je les envie. J'alterne désormais  écriture à la main et écriture numérique au clavier avec un réel plaisir. L'écriture en caractère Georgia italique me plaît.

Aujourd'hui, les changements imposés par la vie me donnent envie d'explorer les possibilités d' exprimer ce que je pourrais appeler, si le mot n'était pas trop pompeux,  une quintessence de mes traces graphiques.  En formulant cela , Je pense davantage à l'extraction d'une huile  mentale essentielle aux pouvoirs identifiés et répertoriés. Mais j'ai conscience qu'il faut  que  "L'écriture ou la vie"   dont parlait Jorge SEMPRUN ,ne se fasse pas querelle. Je partage son idée qu'il faut du temps avant de parvenir à les relier, comme on assemble prudemment des éléments naturels dans un alambic. Ce n'est pas une décision anodine. Elle engage quelque chose de soi dont on ignore tout au moment où l'on passe à l'acte.

 

***

EVENEMENTS

J'apprends incidemment, un tremblement de terre au Maroc et je ressens son onde de choc moral pour tous ceux et celles qui se sentent concernés par l'augmentation de fréquence des catastrophes naturelles. Il ne faut pas beaucoup d'imagination pour s'identifier immédiatement aux victimes, à leurs paniques, à leurs cris de détresse et à toute la confusion qui va suivre. Il faut des gens pragmatiques et courageux pour faire  face à de tels drames. Il y en aura certainement de disponibles dans les jours qui viennent. Rester à l'écoute des demandes, envoyer un peu d'argent ? Quoi faire de plus ? En lisant la presse, je vois que l'empathie se manifeste et cela me rassure provisoirement.  Le centre historique de Marrakech est touché mais  des régions de montagne inaccessibles autour se retrouvent  dans un dénuement plus grand encore. J'ai toujours été abasourdie par cette propension humaine à côtoyer les dangers potentiels en faisant confiance à la chance.  Vivre près d'un volcan ou de toute autre menace plus ou moins naturelle  demande un état d'esprit  très particulier. L'humain supersitieux ou défaitiste côtoie le chercheur prédictologue qui s'ingénie à contrer les forces obscures et véhémentes. Apprendre à ne pas être au mauvais endroit , au mauvais moment peut-il s'enseigner ? Les mouvements d'évacuation me font immanquablement penser à l'exode... J'en fais des cauchemars récurrents dont je connais la provenance. J'imagine tout ce qui percute la sécurité de base des individus ordinaires. Les enfants, les personnes âgées ou vulnérables sont bousculé.e.s, séparé.e.s, parfois délaissé.e.s, comme dans un naufrage où chacun.e veut et ne peut pas sauver sa peau en même temps que celle des siens.  Ahurissement, sidération, terreur, abattement, folie parfois. Et le silence qui suit la déflagration, cette impression de fin du monde, comme une répétition générale localisée...

Souvenir du mini-séisme de 2019, à moins de 200kms d'ici, de la fragilité des maisons, de leurs failles impressionnantes et des éboulements monstrueux  [ séisme de magnitude locale 5,4 et de magnitude de moment 4,9 qui a frappé le centre de la vallée du Rhône et ses alentours le 11 novembre 2019. Son épicentre est situé près de la commune du Teil en Ardèche ]. La vie a repris depuis comme si de rien n'était.  Des échafaudages trônent un peu partout. Beaucoup de bâtiments dont des commerces sont en vente. Le centre ville était déjà  déserté. On ne parle plus de cet épisode aujourd'hui.  Silence étrange. Des gens y vivent, pour la plupart d'origine étrangère, comme résignés ou philosophes. La Centrale Nucléaire est tout près. On ose même pas dire qu'on joue avec le feu...On veut vendre des voitures électriques. C'est la fuite en avant. Carpe Diem mes agneaux !

 

RIEN A VOIR

Hier au soir, très beau match d'ouverture de la coupe du monde de rugby. L'équipe française a gagné face à celle des All Black. Je m'aperçois que cela est dérisoire. Des milliers de spectateurs et spectatrices ont payé, certains se sont grimés, pour assister à l'affrontement brutal et frontal de trente types  hypermusclés se disputant un ballon ovale trempé de sueur. Des gladiateurs rouges et survoltés, dans une cuvette transformée en sauna. Les types ont assuré, c'est sûr, il paraît qu'ils sont bien payés. A la Une , les cocoricos. Le gros titre :   EN MISSION POUR LA GLOIRE ETERNELLE  ! Mon ambivalence face à cette liesse guerrière. Est-ce que ce monde est sérieux ?

 

LETTRES

Je relis de très vieilles lettres conservées et triées par notre père. Il s'était fait un bureau au sous-sol pour examiner ce qu'il avait ramené de sa maison parentale. J'y découvre les préoccupations des années de guerre. Un échange épistolaire à l'écriture dense et encore lisible entre un père voyageur et négociant en vins immobilisé et un fils aîné mobilisé à  l'étranger à qui il prodigue une multitude de conseils. Le courant a l'air de bien passer à cette époque, en dépit des réticences d'une belle-mère jalouse et suspicieuse qui n'a pas pu se faire aimer. Elle est restée venimeuse pendant de longues années à l'encontre des deux premiers garçons de ce père qui l'ont plus ou moins rejetée, acceptant difficilement ce remariage , mais surtout le caractère possessif et hystérique de cette usurpatrice adoubée après une cour épistolaire assidue, par ce veuf esseulé. J'ai connu cette femme, je ne l'ai pas détestée en raison de la tolérance  de notre père à son égard il faisait le médiateur. Elle a bénéficié de l'usufruit de la maison, les trois garçons ont conservé les vignes qui représentaient le lien loyal au père. Tous les ont abandonné à regrets. Toute une histoire...

 

Semaine 36 - Année XXIII - Dimanche

Le goût d'écrire dès le réveil. Je l'accueille comme on dit bonjour à un être familier encore ensommeillé dans un rayon de lumière matinale. C'est le meilleur moment pour laisser filtrer les idées fraîches et reposées, en fait tous les mots qui semblent vouloir prendre place sur l'écran.  J'ai attrapé au hasard dans un sac de promenade un livre dont le titre m'attire  : AVOIR LIEU . Il correspond à mon état d'esprit.  Son auteur Emmanuel MERLE que je connais pour l'avoir croisé de multiples fois dans des événements poétiques régionaux, m'a souvent paru réservé, taiseux, malgré un sourire timide et permanent. Professeur de Lettres je crois, je l'imaginais très doux avec les élèves, les laissant s'exprimer sans renoncer à ses prérogatives d'enseignant. Il fait partie des contemplatifs à la vie intérieure puissante, indécis quant à la vraie nécessité de faire connaître ses pensées intimes. C'est pourquoi  j'ai eu plaisir à acheter son livre sobre et élégant de facture classique, publié à l'Etoile des limites. Ses textes sont magnifiques. La relation père-fils s'invite d'emblée au seuil du livre dans un décor de montagne. Un père redoutable et aimé semble-t-il.  Un père prêt à abattre les chataîgniers qui prennent "la maladie de l'encre". 

En guise d'amorce de lecture, cette note de quatrième de couverture qui m'inspire:

L'air durcissait. Comme toujours nous examinions

les signes, dans la découpe semblable et fractale des pierres du chemin et des cimes,

dans le système changeant des ombres

des nuages. Dans l'augure moderne du vol des oiseaux

et des avions qui, d'en bas, entrecroisaient leurs trajectoires.

Nous cherchions notre place.

La terre est un dos. Nous sentions sous nos pas sa bosse

immense. Tout pouvait commencer du théâtre du monde.

 

        Et sur un marque -page  un court paragraphe d'introduction que je lis comme un signe justement,comme celui de la découverte d'une plume de pie sur notre balcon tout à l'heure :

                                                                                                           

                                                                           Les lieux ont une mémoire.

Non seulement la mémoire

des arbres, des herbes qui les

ont habités, des pierres qui 

ont surgi et qui ont fait

quelques mètres dans la 

pente à l'air libre avant de

s'enfouir à nouveau, mais

aussi des êtres qui les ont

traversés, des êtres sans 

racines, dressés ou courbés

dans le même calcium et le

même carbone.

 

Il sera sans doute question de mort et peut-être de violence voilée dans ce livre , de voyage aussi , au travers de routes qui mènent toutes à des ombres anciennes, à des obsessions sans doute. Même si les paysages sont différents des miens, je sais que je vais retrouver ce qui me préoccupe, et que la langue malaxe partout et sans relâche. Je suis heureuse que ce livre tombe dans mes mains à cette heure précoce de la journée qui va être chaude encore. Les fenêtres seront fermées à la mi-journée, et les stores  seront baissés pour reconstituer la grotte d'écriture dans laquelle je vais essayer de penser et distiller l'écriture. 

 

ATELIER

Je participe depuis deux ans au collectif TIERS LIVRE créé par l'écrivain pionnier du Net François BON. Il donne la possibilité aux abonné.e.s de sa chaîne payante de contribuer à créer des textes destinés à nourrir une dynamique d'écriture en collectif qu'il voudrait proche des workshops  américains. L'idée est aussi de conforter des vocations naissantes d'auteur.e.s avec le soutien d'un groupe d'échanges dédié et privé sur le site TIERS LIVRE. Les contributions individuelles rejoignent à leur rythme le grand flux numérique des réseaux, avec un souci constant de progression et de diversification de l'usage de la langue et des images. Les vidéos y ont une place grandissante. Le vidéo poème est sans doute la forme de Littératube qui m'intéresse le plus en raison de sa concision et de sa créativité artistique. Je me contente pour l'instant d'écrire à partir des thématiques d'exercices proposés hebdomadairement le dimanche, avec une consigne bis le mercredi. Ce sont la fréquence et l'endurance qui conditionnent une certaine constance dans l'effort de concentration et qui peuvent aboutir à une publication selon la consistance du chantier et le désir de le voir aboutir. La principale qualité de ce dispositif , un peu auberge espagnole, c'est qu'il constitue une forme chaleureuse de communauté virtuelle de e-lecteurs et lectrices, ouverte et très active. La difficulté est de ne pas s'en contenter et de s'y enfermer à son insu. Il y a une majorité de femmes dans ces groupes.

 

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